Guerre 1914-1918 - Histoire du XXe siècle

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Poilu show

Archives départementales des Bouches du Rhône, 2014. Avec les acteurs de La Compagnie La Naïve.

La pièce a été un véritable succès, avec des collégiens à l’écoute et séduits par l’humour des comédiens et leur énergie.  J’ai été très agréablement surpris, avoue le préfet de la Marne, Denis Conus. C’est une idée intelligente, les textes sont simples, compréhensibles, et cela montre tous les enjeux de la Grande Guerre.

Le directeur départemental de l’ONACVG, Julien Fargettas, renchérit : « Il y a une vraie consistance historique. C’est très pédagogique, il y a une super qualité d’écoute de la part des collégiens. Et puis on a eu de supers retours des enseignants.

L’Union, 8  septembre 2018


Les mots font mouche et les spectateurs dans la salle polyvalente de Mont-près-Chambord sont sensibles à ces phrases tueuses. La pièce qui était jouée, vendredi soir, devant un public conquis, par deux comédiens de qualité, Patrick Henry et Hervé Pézière, a fait un tabac.

Le sujet ?: « Un professeur conférencier débarque dans une salle de classe pour donner un cours sur les poilus. Il est énergique, un peu étrange, il frôle l’incompétence. Soudain, un vrai poilu, un gars de 1914, un mort-vivant, fait irruption. C’est comme si d’entendre les inepties du professeur l’avait propulsé jusqu’à nous afin de rétablir la vérité.

Après un moment d’incompréhension, les deux hommes ont fait revivre la Grande Guerre, en confondant le point de vue de l’historien à celui du témoin. » La pièce fonctionne. La mise en scène, aussi simple qu’efficace, trouve le bon chemin jusqu’à nous. L’investissement de Jean-Yves Le Naour, l’auteur présent durant cette soirée théâtrale, ainsi que la force et la justesse de jeu des acteurs sont pour le moins communicatifs. Cette pièce compte parmi celles dont on est sûr que l’on s’en souviendra longtemps après l’avoir vue.

La Nouvelle République, 17 octobre 2014


La pièce se déroule dans la salle de classe d’un professeur d’histoire. Un bureau, une chaise, un tableau auquel on accède par une estrade, c’est dans ce décor minimaliste que surgit Marius, un Poilu marseillais mort au champ d’honneur, en mars 1918, « atomisé » par un obus qu’il a « pris dans le buffet ». Du dialogue entre les deux hommes, l’historien et le témoin, naît un récit contradictoire de la Grande Guerre qui a captivé les premiers collégiens à avoir assisté au « Poilu show ». Sont successivement évoqués la remontée de la Canebière, la fleur au fusil, l’effroyable écrasement du XVe corps des soldats du Midi près de Nancy, bouc-émissaires d’une retraite qui amena les Allemands à 120 km de Paris, la vie quotidienne dans les tranchées, la tragédie d’une guerre dont le sens s’évanouit dans l’interminable boucherie laissant le pays exsangue pour longtemps à la fin des combats. Le propos n’est bien sûr pas exhaustif, il s’agit d’une évocation.

Les poilus

Garnier-flammarion, ils ont fait la France, 2012.
Les poilus ? C’est le nom modeste donné aux héros anonymes qui, de 1914 à 1918, dans les tranchées, ont résisté aux assauts allemands. Ils ont été écrasés sous des milliers d’obus, étouffés, la bouche pleine de terre, gazés. Mais, couverts de boue et de sang, ils ont, au coup de sifflet de leurs officiers, escaladé les parapets des tranchées et, offrant leurs corps aux mitrailleuses, ils ont contreattaqué les offensives ennemies. Les Allemands n’ont pu briser ce front, qui a tenu quatre ans, de la Marne à la mer du Nord. Les poilus ont donc sauvé la France du désastre. Mais un million trois cent cinquante mille d’entre eux sont morts dans cet affrontement. À ces pertes considérables, il faut ajouter plus de deux millions et demi de blessés, dont des dizaines de milliers d’amputés, de « gueules cassées », de gazés. Les poilus ? Ce sont ces indomptables, et ces morts, ces disparus, ces corps meurtris, défigurés. Et ce sont ces familles orphelines, le souvenir et la souffrance au coeur. La France victorieuse de 1918 porte ainsi, au flanc, une plaie béante. Chaque commune a dressé s ur une place ou dans le cimetière un monument aux morts, aux poilus. Il représente l’un d’eux, qui, baïonnette au canon, appelle ses camarades à le suivre. Le « souvenir français » – une association s’est donné ce nom – n’oublie pas ceux qui sont « morts pour la France ».

Les français dans la Grande Guerre

Condon Cédric / Jean-Yves Le Naour, produit par Emmanuel Migeot (Kilaohm productions) et l’ECPAD pour la chaîne Histoire, 2008, 52 mn.
1918. Voilà déjà plus de trois ans que la France est en guerre. Pourtant en août 1914, tous les soldats étaient partis pour quelques semaines, quelques mois tout au plus ; ils devaient s’en revenir pour les vendanges selon les optimistes, pour la Noël selon les pessimistes. Mais à l’heure de la nouvelle année 1918, les illusions de la mobilisation sont bien loin : cela fait 41 mois que les poilus piétinent dans la boue des tranchées, qu’ils subissent les bombardements, la peur, le froid, la pluie, les poux, les rats, et l’odeur des cadavres en décomposition dont ils tentent de se protéger en fumant la pipe ou en grillant des cigarettes. « Ça a commencé comme une fête », se souvient le poilu Gabriel Chevallier, mais en 1918, il n’y a plus qu’un immense calvaire dont on ne voit pas la fin.
Avec le temps, un fossé semble s’être creusé entre le front et l’arrière : les soldats qui risquent quotidiennement leur vie considèrent les civils comme des embusqués qui ne sont pas avares du sang des autres et qui profitent de la situation pour s’enrichir ou « faire la vie ». « Ils se la coulent douce à l’arrière, enrage le personnage des Croix de bois de Dorgelès. Ils ne savent pas ce que c’est que la guerre. Personne n’y pense… Pour eux c’est comme si la guerre était à Madagascar où chez les Chinois ». Et la chanson de Craonne confirme :

C’est malheureux de voir
sur les grands boulevards
tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est drôle
Pour nous c’est pas la même chose .

L’arrière « se la coule-t-il aussi douce » que les poilus veulent bien le penser ? Le pays oublie-t-il ses enfants aux tranchées ? Y a-t-il deux France, l’une au combat, l’autre qui se désintéresserait de la guerre ? La frustration des poilus qui trouvent insupportable que d’autres continuent à vivre, presque normalement, quand eux souffrent le martyre ne doit pas égarer : si la France continue de tenir en 1918 face à l’Allemagne, c’est parce que tout le pays est uni dans la lutte, parce que chacun est à son poste, à l’avant comme à l’arrière – le soldat aux tranchées, l’ouvrière dans l’usine de guerre. Cette mobilisation humaine, économique et psychologique porte un nom : la guerre totale. Le mot n’est pas encore inventé, on lui préfère l’expression de « guerre intégrale » qu’utilise Clemenceau en 1917, mais le sens est le même : toutes les forces du pays sont au service de la guerre.
Tournées par la section cinématographique de l’armée créée en 1915, ces images exceptionnelles ne nous montrent cependant qu’un versant de la guerre. Au service de l’effort national, elles disent la bonne humeur des soldats à l’avant et la détermination de l’arrière. Elles ne racontent pas le doute, la tristesse, et surtout pas la mort. A nous de nous rappeler que ce qu’elles ne montrent pas est au moins aussi important que ce qu’elles ont l’ambition de prouver.

© 2024 Jean-Yves Le Naour

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